Comment devenir un sujet plus autonome
Que le clivage idéologique gauche/droite, fasse encore référence ou non, réduire la société ou la Cité (la polis en grec) à des choix et des intérêts individuels s’additionnant mécaniquement, est une erreur de jugement. Une erreur assez en vogue et pas forcément opposée aux intérêts de ceux qui nous dirigent et nous imposent l’ordre présent et ses nombreux désordres. Abandonner les choix collectifs aux professionnels de la politique, à la fois clones et extra-terrestres (la qualification n’est pas si grossière), constitue une faute à la fois morale et historique. Sans une réappropriation de la politique et sans notre réelle implication dans les grands choix communs, la dégradation et la frustration sociales risquent de se poursuivre au-delà du supportable. Déserter la compétition électorale et la politique spectacle, sans doute, mais pas pour prolonger la situation d’irresponsabilité dans laquelle le système représentatif nous place. Au contraire, il s’agit de reprendre notre pouvoir de délibération et de décision, de revendiquer et d’user de notre responsabilité dans les grands choix collectifs.
Qui réinventera une démocratie digne de ce nom, sinon nous ?
Qui est capable de remettre l’économie et l’argent à leurs vraies places, celles d’instruments au service du bien commun, sinon le peuple ? Qui peut encore avoir conscience de ce commun ou de l’intérêt général ? Qui est seul capable de remettre au centre du débat les questions concrètes correspondantes qui se posent à nous tous, et d’abord celles qui concernent nos besoins humains fondamentaux : se nourrir, s’abriter, vivre ensemble sur une même planète... ? Qui a peur de l’incertitude du débat démocratique direct, alors qu’on nous amène peu à peu dans une direction sinon dangereuse et condamnée, au minimum en perte de sens et risquée ?
Qui ignore que notre démocratie est née au 18ème siècle de deux idées « révolutionnaires » dominantes ? La première fut explicitement formulée : le peuple est trop bête et trop peu intéressé pour mener une réflexion collective et prendre les bonnes décisions. La seconde est tirée de l’analyse historique ultérieure : le peuple est trop peu soucieux des intérêts particuliers des élites sociales. En notre début de 21ème siècle, c’est ce même peuple, décidément toujours aussi peu doué d’intelligence et du sens du progrès, qui à 70% ou 80% est favorable à l’absence d’OGM dans l’alimentation humaine et animale, à une sortie du nucléaire, qui souhaite une autre Europe, qui commence à souhaiter une autre réforme des retraites malgré les efforts de pédagogie que gouvernants et grands médias déploient à son adresse. Et qui a très majoritairement une vision négative des banques, du profit et du capitalisme . En matière d’habitat, l’accès à la terre est une condition sine qua non. Or, cet accès est déterminé par le marché, un marché particulièrement spéculatif et anti-social. D’où un accès de plus en plus excluant, fermé. Le droit de chaque Humain à la terre est bafoué. Changer les règles est un combat politique essentiel à mener et cela d’abord au plan local. La prise de conscience va se développer mais le changement concret sera probablement long. La création d’une ou de structures coopératives en réseau, telles que Terre de liens pour l’accès à la terre agricole, serait évidemment moteur de ce changement très important.
Quoi qu’il en soit, dans la conquête d’une plus grande autonomie, l’autoconstruction a une place centrale. Elle permet de réduire notablement la domination du fric sur nos vies. Elle est une expérience extraordinaire de l’existence, de mise en confiance et d’épanouissement dans l’action. Elle ne devrait pas en rester à ce seul plan personnel.
La transmission intergénérationnelle d’antan s’est éteinte, mais grâce à nos petits réseaux d’échanges, grâce à l’apport d’internet, une nouvelle transmission horizontale émerge. Elle n’est qu’un germe. Elle est très loin d’être suffisante. Ce qui est clair, c’est qu’à une transmission spontanée et tout à fait partielle dans notre réseau relationnel individuel, il faut ajouter une dimension politique, au sens noble du terme. Celle qui se définit par des initiatives et des actions collectives construites sur les valeurs qui nous animent.
Le petit archipel alternatif a quelque mal avec ce passage à la dimension politique.
Beaucoup de ses habitants paraissent ne pas en voir la nécessité et font leur ce slogan fort discutable : change-toi et le monde changera. Le parallèle avec le credo des économistes et politiciens néo-libéraux - enrichis-toi et le monde s’enrichira - est saisissant. Ce credo est mis en œuvre depuis une bonne vingtaine d’années de façon quasi généralisée et mondialisée. On en voit le résultat : accroissement général des inégalités, de la misère et de la famine. C’est notre bon Strauss-Kahn, bien occupé à se tailler ou à se faire fabriquer une stature de présidentiable de la France depuis sa chaire du FMI, qui déclarait récemment à une presse fort émue par les propos et oubliant du coup (c’est bête !) le rôle dudit FMI dans la situation : « Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, 1 milliard d’individus vont se coucher ce soir avec le ventre vide ».
Nul doute que le marché et son business vont répondre de plus en plus au développement de la demande d’informations et de formations aux techniques de l’éco-construction. Nul doute qu’en l’absence d’autres voies, l’autonomisation en prendra un sérieux coup. C’est à nous d’imaginer et de proposer des alternatives fondées sur une autre logique.
L’autoconstruction est aussi un chemin exigeant qui se révèle assez souvent long.
Les écueils ne sont pas absents. Partant du principe que l’expérience mérite d’être réussie, tant au plan technique et financier qu’au plan humain et familial, il vaut mieux bien s’y préparer. D’autant que l’éco-construction est un domaine qui bouscule la construction conventionnelle, sa routine, la pauvreté de ses choix et la mainmise de l’industrie. Au contraire, elle offre des possibilités nombreuses, ouvertes et variées, mêlant traditions, expérimentations et innovations pas uniquement industrielles.
L’action du réseau Rahmabaman
Ainsi, nous proposons dans le réseau une préparation à l’auto-éco-construction. Des sessions vont être régulièrement organisées chez nous dans le Gard. La première a été programmée le samedi 30 et le dimanche 31 octobre, dernier WE des vacances de la toussaint. Ces sessions sont à prix ou à participation libre. D’autres suivront à intervalles réguliers : les samedi 15 et dimanche 16 janvier 2011 puis le vendredi 6 et le samedi 7 mai 2011... Le contenu de cette formation a été en partie élaboré à partir des réponses à un questionnaire qui a été envoyé aux membres du réseau, auto-constructeurs-trices ou non. Il s’enrichira des contributions de chacun.
Cette préparation/formation a pour vocation d’exister ailleurs dans tous les lieux où des personnes compétentes et partageant l’éthique qui la fonde, ont le désir de l’organiser.