L’éolien : éléments de contexte
Avant d’évoquer le contexte de l’éolien en Alsace, il me semble important de rappeler quelques éléments de contexte global.
Dernièrement, la publication du 5ième rapport du GIEC vient, malheureusement, une nouvelle fois nous rappeler l’importance du défi majeur auquel nous sommes confrontés. Si dans un premier temps les conclusions de ces experts internationaux étaient discutées, minorées par certains, aujourd’hui la communauté internationale semble considérer davantage ses travaux. Plus nous avançons dans le temps, plus nous découvrons l’importance et l’urgence de lutter contre le changement climatique. Il reste cependant à confirmer quelques timides essais.
Actuellement des négociations sur le climat ont lieu en Pologne. La France accueillera elle en 2015 la COP 21, le sommet international sur le climat. Le président de la république souhaite être exemplaire pour accentuer les chances de trouver un accord à la fois universel et contraignant.
Enfin, pour en finir sur les éléments de contexte, la France se trouve actuellement à un moment clef de l’évolution de son système énergétique. Des choix stratégiques d’envergure doivent être pris aujourd’hui. Ces choix se font dans un climat budgétaire et économique difficile. C’est ainsi qu’une conférence environnementale a été organisée dans le but de préparer une loi de transition énergétique qui devrait être discutée au parlement à l’automne 2014. Des caps que je qualifierai de prometteurs ont ainsi été fixés :
– la réduction de 50% de la consommation finale d’énergie d’ici 2050 ;
– la réduction de 30% de notre consommation d’hydrocarbures d’ici 2030 ;
– et enfin, la diversification du mix énergétique qui nous conduira, entre autre, à ramener la part du nucléaire à 50% à l’horizon 2025.
L’éolien en France et en Alsace
Les éléments de contexte étant posés, je souhaite à présent revenir sur l’éolien en France et en Alsace.
Le parc éolien français a atteint une puissance installée de 7821 MW au 30 juin 2013. Si les puissances annuelles installées n’ont cessé de croître sur la dernière décennie, nous constatons ces 3 dernières années un net ralentissement des raccordements. En effet, les capacités de raccordement n’ont cessé de décroitre depuis 2010, à l’image des résultats du premier semestre 2013 qui s’établissent à 200 MW, soit une baisse de 26 % par rapport au premier semestre 2012.
La règlementation toujours instable de l’éolien en France ainsi que l’incertitude autour du sort réservé au tarif d’achat sont les principales raisons de ce ralentissement.
Avec de tels chiffres, avec la meilleure volonté du monde, je ne peux vous faire rêver. Si le sujet n’était pas d’une si grande importance, j’ironiserai et j’emprunterai une métaphore du journaliste Raymond Couraud concernant l’écotaxe. Je comparerai l’éolien Français à un véhicule qui fonctionne avec une boîte de vitesse révolutionnaire. Attention, BMW ou encore Mercedes n’ont qu’à bien se tenir ! Le véhicule éolien français dispose d’une marche avant et six marches arrière et bien sûr le point mort !
Si je ne vous fais pas rêver, beaucoup dans notre pays rêvent d’emplois, d’investissement, de développement et d’indépendance énergétique. L’éolien, mérite-t-il objectivement une telle instabilité ?
L’ère de l’éolien "OUI MAIS"
Nous en sommes encore à l’ère de l’éolien OUI, MAIS !
L’éolien oui mais pas n’importe où !
L’éolien oui, mais pas à n’importe quel prix !
L’éolien oui, mais pas tout de suite !
L’éolien, oui, mais vous supportez les coûts de raccordement !
L’éolien oui, mais les tribunaux décideront !
Oui…MAIS ! MAIS : cette conjonction de coordination permet de marquer une restriction. Pourquoi limiter et restreindre le développement de l’éolien par des enchevêtrements de lois. Cela relève principalement d’un manque de volonté politique franc et sincère à l’égard de cette énergie. Si à la place du Oui MAIS, on dirait MAIS OUI, à y voir une solution, ce serait bien plus que 150 PME et PMI francaise qui fourniraient les pièces nécessaires à la fabrication d’éoliennes. Ce serait plus que les 56.5 millions d’euros de recettes fiscales aux collectivités locales pour 2012. Si un timide et difficile Oui MAIS représente déjà 11 000 emplois directs, ce sont 50 000 emplois et bien plus que créerait un OUI franc et sincère !
Mes propos ne font qu’illustrer la marge de progression dont dispose la France pour atteindre l’excellence dans le domaine de l’énergie éolienne. Je reste convaincu et positif quant à l’avenir de l’éolien en France car qu’on le veuille ou non, l’éolien est peu chère et est une réponse cohérente à notre besoin d’indépendance énergétique et à notre devoir de diversification.
Ces hésitations ne dureront qu’un temps, car si la France prend du temps, elle comprend très bien qu’elle se situe sur le second gisement de vent d’Europe. Ce temps semble nécessaire, car il faut le dire, il s’agit pour nous d’un véritable changement dans le paysage énergétique national !
Tout comme l’éolien, l’isolation des bâtiments met également du temps à prendre ses marques en France et subit de nombreux recours alors qu’aujourd’hui qui peut contester le bien fait d’une bonne isolation de nos bâtiments et d’une meilleure maitrise de l’énergie ?
Concernant l’Alsace, vous l’aurez compris, avec un objectif de 100MW et seulement 16MW autorisés, cette région ne sera bel et bien pas la locomotive de l’énergie éolienne en France. Elle est déjà riche par l’hydraulique et la géothermie, elle ne dispose cependant pas des faveurs du dieu Eole. Si au niveau national, il faut du temps pour la mise en œuvre de l’éolien, l’Alsace se trouve confronté à une difficulté majeure supplémentaire, celle de la conciliation entre la biodiversité et le développement. Non pas que le reste de la France se trouve dépourvu de richesses environnementales, mais l’Alsace n’a que d’autre choix pour faire de l’éolien, que cette cohabitation difficile, inattendue et peu désirée.
Le vent se trouvant sur les hauteurs, une majeure partie des projets devront se réaliser en forêt. Doit-on pour autant se laisser séduire, trop facilement souvent, par l’interdiction de l’éolien ? N’est-ce pas ici l’occasion d’avancer et d’ouvrir de nouvelles perspectives de recherche et de collaboration ?
Alors comment installer 85 MW supplémentaires et satisfaire son Schéma Régional Eolien d’ici 2020 dans un tel contexte ?
Pour mémoire, la multiplication des démarches administratives en France entraine un délai moyen d’environ 8 ans entre les premières démarches et la construction d’un parc éolien. Soit 3 fois plus qu’en Allemagne ou en Espagne. Compte tenu des projets en instruction et des temps de recours, de toutes évidences, l’objectif Alsacien ne sera pas atteint. Pas grave diront certains, les objectifs seront atteints à une échéance plus grande ! Voilà l’erreur qu’il faut justement éviter !
Il semble manquer un but commun entre protecteurs de la nature et acteurs des EnR alors qu’il existe ! Oui, nous avons un but commun, invisible et malheureusement lointain à notre échelle. Si lointain que l’on manque de cohérence et que le climat semble décorrélé de nos actions. Si peu visible aussi que nous abordons le réchauffement climatique comme une donnée quelconque dans notre équation alors qu’il sera le résultat de nos décisions. L’idéologie aveugle, freine inexorablement les réflexions et fait se tromper de cible.
Quel impact aura le réchauffement climatique sur la biodiversité en Alsace ? Y travaille-t-on réellement ? Je dis que l’éolien est une réelle opportunité en Alsace, l’éolien est le moyen de travailler sur ces questions, à condition de le vouloir et de ne pas se fermer face aux difficultés.
Si en pratique la cohabitation est difficile, c’est très souvent, malheureusement par pure idéologie. S’il est indispensable de réaliser des études de qualité, les protecteurs de la nature doivent pouvoir comprendre que le principe de précaution ne peut s’appliquer au développement des énergies renouvelables. Protéger et ne rien faire est un moyen de laisser mourir par le réchauffement climatique.
L’exercice souhaitable consiste à utiliser le potentiel de développement des projets éoliens pour avancer sur les connaissances et la préservation de la biodiversité. Les acteurs de cette filière doivent aussi comprendre l’enjeu du massif vosgien pour la biodiversité. On ne développe pas un projet éolien en forêt comme dans un milieu agricole. Les projets en forêt ne doivent pas faire les frais de maladresses vécues par d’anciens projets. Ces difficultés, cet historique devraient non pas freiner les acteurs et leurs initiatives, mais permettre au contraire la création d’un laboratoire d’échange entre la nature et les EnR. Nous disposons d’un terreau riche, d’acteurs nombreux et de qualité pour travailler dans ce sens.
J’appelle les acteurs des territoires à se rencontrer, à prendre le courage du choix le plus difficile sans doute, celui du consensus, de l’avenir et du compromis.
Ne pas tout faire pour atteindre ces objectifs c’est laisser le champ libre au réchauffement climatique.
L’Alsace est classée 21 ième région sur 22 en installation d’éolien. Mon souhait le plus grand serait que cette région soit le laboratoire francais, voire Européen de l’éolien en forêt, qu’elle soit la première en recherche, en nombre de publications scientifiques sur l’éolien et la biodiversité. Elle dispose déjà d’atouts non négligeables. Je pense à la proximité de l’Allemagne qui dispose déjà de nombreuses éoliennes en forêt, aux institutions européennes qui sont des acteurs incontournables dans cette lutte contre le réchauffement climatique et enfin des acteurs et un monde associatif de qualité.
En guise de conclusion, je souhaite rappeler qu’il n’y a pas plus prévisible que le réchauffement climatique, notre avenir dépendra des réponses que l’on souhaite y apporter. L’éolien en est une !
Votre plaidoyer pour l’éolien en forêt pose problème : il est basé sur l’idée (encore communément admise) que cette énergie permettrait de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Or l’expérience allemande d’un recours massif à l’éolien montre qu’il n’en est rien.
Il y a donc un écart entre l’image vertueuse de l’éolien et son réel potentiel de limitation du réchauffement climatique. Il est important d’en avoir conscience, au vu des sommes investies dans cette industrie "verte", autant que des impacts environnementaux de son déploiement.
Faisons la part des choses et ne nous laissons pas berner par une habile communication de marketing : il en va de la préservation des derniers espaces naturels épargnés par l’activité humaine.
Ouvrons les yeux, bon sang !