La pluie a rafraîchi l’air estival. Début de soirée. Le soleil est caché par les nuages résiduels. On arrive exténués par les kilomètres de vélo. On a enfin atteint, au bout d’un interminable chemin sombre, ce lieu hors du monde conventionnel. On commence à se refroidir. Il est temps de prendre une douche. Elle est dans la serre, au jardin, adossée à la colline. On rentre dans cette tente transparente comme dans le ventre d’un grand animal, humide et tiède. Une douce moiteur nous entoure. On avance : les pieds de tomates s’enchevêtrent et grimpent au plafond dans une luxuriance toute tropicale. On baigne dans les exhalaisons végétales, on sent les légumes qui transpirent. Au fond, au plus chaud de la serre, la douche. On laisse couler une eau douce sur nos corps fatigués. Délassement. A travers la bâche, on voit les collines du Morvan qui s’étalent vers l’horizon et un rayon de soleil orangé qui perce avant la nuit. On est arrivé.
On rejoint le groupe et très vite on trouve sa place. On fait son petit nid provisoire : une tente, un sac de couchage sur la mezzanine… On crée son minuscule espace personnel, pas besoin de plus car on se sent vite ici comme chez soi. On se familiarise avec le lieu, on se prend à rêver que la belle cuisine ensoleillée est la nôtre. On farfouille dans les étagères et on commence à préparer un repas.
La découverte des endroits, des objets, des habitudes se fait peu à peu, au gré des explications transmises par ceux qui sont déjà familiers. C’est un lieu qui tend vers l’autogestion, on se débrouille tout en restant dans le cadre fixé par Jean-Luc. C’est lui qui impulse les moments collectifs de découverte (mise en corps le matin, atelier de shiatsu, théâtre forum, massages, etc). C’est vers lui qu’on se tourne pour décider des choses importantes, trouver un objet dont on a besoin. Il est le référent.
Posons le décor :
Le cadre : la sérénité : Aucun bruit humain extérieur ne parvient jusqu’en Corcellie, tranquille dans son écrin de forêt. Les seules traces anthropiques dans le paysage sont les fermes au loin dans la vallée, si loin qu’elles sont tout à fait silencieuses, juste des petits éléments pour agrémenter le tableau. Le calme, rien que les oiseaux et les éternuements des vaches. Quand des humains s’approchent, on entend longtemps à l’avance le crissement des pneus. Une voiture monte. Elle suit la piste, elle vient forcément à Corcelles puisque c’est le dernier lieu habité. Quelqu’un arrive ; on a le temps de se préparer à l’accueillir.
Un objet : le séchoir solaire : Sur la terrasse, trône le séchoir. Il contemple la vallée, il surplombe le paysage qui s’offre à ses pieds. Il offre son ventre de tôles noires aux rayons du soleil ; il se réchauffe doucement. On ouvre son estomac, il en sort des bouffées d’air chaud et chargé d’odeurs de fruits et de plantes. On y enfourne des brassées de mélisse et de menthe fraîches.
Deux jours après, cet assoiffé a bu toute leur humidité. Les feuilles sont prêtes à être mises en pot pour les tisanes hivernales.
Les chantiers : Après le point du matin, chacun se lance sur son chantier, en sachant comment procéder. Jean-Luc passe apporter des conseils, veille à ce que chacun trouve la position la plus confortable pour son activité. Il aide à mettre en place des conditions de travail optimales tant pour le rendu final que pour le bien être du travailleur. Attentif et à l’écoute.
Chacun travaille, apprend des techniques nouvelles, se confronte aux idées des autres. Couches d’enduit sur paille, joints à la chaux, menuiserie, jardinage, déblayage, on touche à tout. Il s’agit de construire une fenêtre, faire un dallage en tomettes, finir un mur, etc. Une petite pause avec un verre d’eau de la source captée un peu plus haut dans la forêt.
Les chantiers participatifs en écolieux attirent des personnes d’horizons divers mais ayant tous un intérêt croissant pour ce type d’initiatives, les modes de vie alternatifs, permaculturels… On rencontre ici beaucoup de personnes en transition, à la recherche d’un mieux vivre, des personnes en chemin de découverte. Nombreux sont ceux qui projettent d’ouvrir ou de rejoindre eux aussi, un lieu semblable. Il y a donc dans ce domaine une certaine homogénéité d’intérêt et de valeurs, ce qui entraîne de nombreuses conversations et une émulation fort intéressantes.
Pour beaucoup, le chantier est un lieu mais aussi une temporalité extraordinaire où se joue ponctuellement, hors du cadre habituel quotidien, un semblant de vie idéale. On est dans un moment intense qui rend concrètes bon nombre de nos utopies personnelles. Ce moment aura une fin, on est conscient qu’on ne reverra peut être jamais plus ces amis éphémères ; alors, nous prend une soif de les découvrir plus avant.
Des sentiments que m’ont procurés ces jours passés en Corcellie.
bonjour où se trouve la corcellie