Richesse
Adam Smith, dans la Richesse des nations, et Malthus, dans Principes d’économie politique, consacrent une vision de la richesse assimilée à une production marchande matérielle. Une convention dont le double objectif est de valoriser certaines activités et d’assurer à l’économie les moyens d’affirmer son autonomie en lui donnant le statut d’une science objective, assise sur des comparaisons quantitatives. Pourtant, reconnaît Malthus, il existe des richesses d’une autre nature ; ce sont " des sources de bonheur autres que celles qui proviennent d’objets matériels mais que l’on ne saurait sans le plus grand abus, mettre au rang des objets grossiers dont se compose la richesse des nations. "
Économie
Vient du grec oikos (maison) et nomos (ordre, loi). Pour les inventeurs de l’économie que sont les Grecs et pour son premier théoricien, Xénophon, l’économie se place dans une nette division sociale et sexuelle des tâches. La politique est réservée aux hommes, le travail aux esclaves et l’économie aux femmes. Mais lorsque l’économie est réinventée, à la fin du xviiie siècle, ses théoriciens vont pratiquer un véritable coup de force par rapport au sens originel du mot en décrétant "improductives" l’ensemble des tâches domestiques. Au moment où la bourgeoisie masculine prend le pouvoir et considère que c’est l’économie, plus que la politique, qui devient un genre majeur, les femmes ne leur paraissent plus dignes d’être au centre de l’activité économique.
Valeur
Du latin valor, la valeur est ce qui donne de la force, de l’énergie. Au sens radical du terme, la valeur, chez un être humain conscient d’être mortel, c’est ce qui lui donne une force de vie : le sens et la reconnaissance sont ainsi beaucoup plus forts face à la mort que la puissance et la richesse monétaire. Pourtant le courant économique dominant a fini par réduire la valeur à ce que les Anglo-Saxons nomment : " Value for money ". On est passé ainsi de sociétés où " ce qui a vraiment de la valeur n’a pas de prix " à des sociétés de marché où ce qui n’a pas de prix n’a pas réellement de valeur.
Utilité
Le langage économique dominant a nommé " utilité ", à la suite de Jean-Baptiste Say, ce qu’il conviendrait en réalité de nommer " désirabilité ". Il y a en effet des objets ou des services que le sens commun considère comme inutiles, mais désirables (un diamant par exemple), et d’autres qui sont très utiles, voire vitaux (l’eau potable), dont l’utilité au sens économique sera considérée comme faible, sous prétexte qu’elle est abondante et gratuite. Léon Walras, théoricien de l’économie marginaliste, systématisera ce sens contestable : " Je dis que les choses sont utiles dès qu’elles peuvent servir à un usage quelconque et en permettent la satisfaction. Ainsi il n’y a pas à s’occuper ici des nuances par lesquelles on classe, dans le langage de la conversation, l’utile à côté de l’agréable entre le nécessaire et le superflu. Nécessaire, utile, agréable et superflu, tout cela, pour nous, est seulement plus ou moins utile. "
Travail
Du latin trepalium (instrument de torture), le travail a gardé longtemps son sens de malédiction (" accoucher dans la douleur "). C’est à partir des débuts de la révolution industrielle qu’il commencera à prendre un sens positif, face à la peur du chômage, sens qui culminera dans le fameux " droit au travail ". Le mouvement ouvrier préféra la notion d’ouvrage et inscrivit son action dans la perspective de l’abolition du travail et du salariat.
Activité/inactivité
Au sens économique du terme notre vie est " active " pendant le temps réduit de notre activité professionnelle rémunérée, ce qui correspond aujourd’hui à moins de 10 % du temps de vie total (pour une durée moyenne de 76 ans). En revanche nous sommes " inactifs " lorsque nous effectuons des tâches domestiques gratuitement, lorsque nous éduquons nos enfants, lorsque nous nous engageons bénévolement dans des associations
Articles précédents sur ce même thème "Reconsidérer la richesse" :
– 10 poncifs sur la richesse
– Vers un monde de Troc
Pour ce qui concerne les mots "travail", "utilité", "économie" et "activité", je ne saurai que trop vous conseiller d’aller voir l’excellent documentaire de Pierre Carles, Christophe Coello et Stéphane Goxe. C’est un film très drôle et provoquant, très utile !
ici la grille de programmation pour la France et Suisse : www.homme-moderne.org/rienfoutre/attention/programs.html