Naissance de l’écologie scientifique
L’écologie est d’abord apparue comme une "économie de la nature" (Linné), soit une science mécaniste issue du croisement de deux disciplines : la démarche naturaliste de classification de la nature et l’analyse économique, utilitariste.
Si l’écologie renvoie alors à l’application du contrôle de l’homme sur la nature, dès le 19ème siècle, March avait fait un examen très avancé de cette relation en lui conférant une dimension complexe dépassant la simple utilité.
5 ans après "De l’origine des espèces" de Darwin, il écrit "Man and Nature" en 1864. Universitaire et diplomate, il nourrit son savoir scientifique d’expériences concrètes acquises au fil de ses voyages. S’il s’inspire de son contemporain Darwin en ce qu’il nourrit une vision évolutive de la nature, il y ajoute une idée fondamentale : la société humaine a nécessairement un impact sur la nature [1].
Cette destruction est non-voulue et impensée ; elle est aussi incontournable, car toute activité sociale a des conséquences directes sur le milieu occupé. Il développe à partir de ce présupposé, une réflexion sur les relations complexes entre l’homme et la nature, reposant sur une réflexivité permanente. Il pose ainsi les jalons d’une science de la complexité qui analyse nature et société dans des rapports de rétro-actions et de connexions permanentes.
La réflexivité implique de penser ce qui est impensé, car la solution est dans le problème [2] : l’incertitude et l’imprévisibilité font partie de la connaissance et elles constituent un problème insoluble.
Si la technologie peut parfois répondre à un problème, cette solution pose elle-même un nouveau problème par l’incertitude de son impact. L’on peut à cet égard évoquer le principe de précaution (souvent simple principe) qui montre l’actualité des réflexions de March. [3]
Quelle science face aux catastrophes écologiques
On peut ainsi tenter de relier sur cette question la critique du positivisme de Dupuy, un philosophe contemporain, avec l’analyse de March. Dupuy invoque en effet la nécessité de dépasser la rationalité en étudiant des phénomènes qui en dévoilent les limites : les catastrophes. De quelle manière la science peut-elle aborder les catastrophes ?
Incontrôlables, imprévisibles, impensables, les catastrophes posent un problème de taille à la science rationnelle en ce qu’elles ne peuvent être pensées qu’à posteriori, une fois seulement qu’elles se sont produites. Le principe de précaution est ainsi communément défini : "par précaution, on désigne l’ensemble des mesures destinées à empêcher des menaces précises à l’environnement, soit, dans un objectif de prévention, à réduire et limiter les risques pour l’environnement, soit en prévoyance de l’état futur de l’environnement, à protéger et améliorer les conditions de la vie naturelles, ces différents objectifs étant liés".
Ce principe concourt à la volonté illusoire de maîtrise de la nature en émettant la possibilité de prévoir les catastrophes, alors que leur caractéristique principale est précisément leur improbabilité. Dupuy remet ici en cause la conception de gestion rationnelle des risques pour concevoir la catastrophe non comme prévisible, mais bien inéluctable.
Notre conception d’une catastrophe dépend trop des cadres de réflexions dans lesquels on va la prédire. A ce titre, Dupuy évoque le caractère paradoxal du principe de précaution formulé ainsi dans la loi Barnier : "sa mise en oeuvre dépend de l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques du moment". Au contraire, l’incertitude n’est pas contingente mais bien structurelle : il faut reconnaître l’incapacité de la science à expliquer l’incertitude, accepter la finitude du savoir.
En fait, le problème ne se situe pas tant dans l’incapacité de prédire l’incertain que dans "l’impossibilité de croire que le pire va arriver". Dupuy nous exhorte donc à aborder l’avenir dans une autre dimension que celui de l’arbre des possibles (ou "des décisions"), en élaborant les bases d’une métaphysique du temps qui permettrait en fixant nous même, en créant notre avenir d’en déterminer des corrections rétroactives : c’est le temps du projet, dans lequel "passé et futur se déterminent réciproquement".
Pour concevoir les catastrophes, il en appelle à la prise en main de l’avenir, il faut se figer un avenir dont on ne veut pas pour pouvoir croire en la possibilité de la catastrophe et pour y trouver des enseignements rétro-actifs. C’est donc la conceptualisation nécessaire d’un destin, d’une certaine fatalité, que Dupuy invoque, et sur laquelle bute la science moderne.
Par le temps du projet, il entrevoit la possibilité de réactualiser le futur en concevant "une image de l’avenir suffisamment catastrophiste pour être repoussante et suffisamment crédible pour déclencher les actions qui empêcheraient sa réalisation."
Face à l’impensé, la science ne doit pas s’effacer mais au contraire participer à la construction d’un projet éthique. Le caractère fini inhérent à toute activité humaine et à tout être vivant constitue la matière première des diverses interprétations écologistes, dans les milieux autant scientifiques que politiques.
Redonner du pouvoir aux non-humains
B. Latour nourrit dans ses oeuvres ("Nous n’avons jamais été moderne" et "Politiques de la nature") une réflexion épistémologique fondamentale non tant par ses théories, les conclusions qu’il tire, que par sa méthode, sa manière de se détacher de son propre point de vue pour en élargir les perspectives.
En tant que "sociologue des sciences", il analyse les constructions du regard scientifique en s’interrogeant sur les procédés de constitution du savoir, et se montre très critique vis à vis de la science dite "moderne" dans la manière dont elle se construit et se légitime dans un cercle restreint d’initiés.
Il oeuvre ainsi non seulement en faveur de l’appropriation de l’objet scientifique par la collectivité, mais aussi pour sa co-construction associant experts et profanes. A trop séparer législation et exécution, savoir et pouvoir, savants et politiques se voient construire des objets abstraits, tenant d’une réalité trop objective pour recouvrir la diversité des réalités sociales et naturelles.
Sa principale proposition en terme de "Politiques de la nature" est la création d’une nouvelle "Constitution", établie dans des forums hybrides qui réuniraient autant scientifiques que politiques, employés et employeurs, décideurs et acteurs de terrains, mais aussi humains et non-humains.
Il s’agirait de relativiser ce dualisme et ainsi d’ouvrir la démocratie à la nature.
Conclusion
La nature, objet de pensée confisqué par les experts, objet de consommation et outil de distinction, ne semble plus vécue par l’homme moderne, mais paraît être devenue un simple instrument au service de ses fins. C’est l’héritage du naturalisme qui a en partie fondé notre rapport moderne au monde, dans lequel une frontière infranchissable sépare humains et non-humains, sujets et objets.
Où se situent les points de rupture entre nature et société ?
Quand a-t-on cessé de voir l’arbre comme un ancêtre, la Terre comme une mère , l’homme comme un animal ?
Dans notre société, P.Descola (1986) propose d’adapter à notre société des cosmologies impliquant une relation symbolique et éthique profonde avec la nature comme l’animisme ou le totémisme.
Il ne s’agit pas de revenir à un temps perdu où l’humain et la nature communiaient, mais de penser le rôle inhérent des non-humains au sein d’un système social, ici la démocratie.
Bonjour
J’habite à proximité d’une centrale d’enrobage au bitume. Après quelques recherches, j’ai pu me rendre compte des risques sanitaires et environnementaux lié à ce genre d’installation. Dans un premier temps, ma volonté était de faire fermer cette usine en plein centre urbain, mais après réflexion, je me dis que cela ne ferait que déplacer le problème. Mes recherches m’ont également permis de me rendre compte que des solutions alternatives et durables existent, il devient donc urgent de les mettre en pratique. Cela résume en quelques lignes le problème de notre société. Nous polluons, nous dégradons alors que des solutions existent. Nous savons tous que l’humanité est en péril à cause du réchauffement climatique, à cause de la pollution et les états ne bougent pas. Il devient urgent de remettre au centre de notre société la science, la culture et surtout l’humain. Nous ne pouvons plus attendre.
Ce sont ces raisons qui m’ont poussé à mettre en ligne une pétition demandant la fin de l utilisation du bitume dans la fabrication des routes.
Lien vers la pétition
https://www.change.org/MessagepourMMacron