Cet article a été publiée dans la Revue Passerelle Eco N° 09 - Printemps/2002.
Crise économique et dette de l’Argentine
La crise économique et la dette de l’Argentine sont une création monstrueuse de l’économie libérale.
En effet l’Argentine dispose de nombreuses ressources. Elle exporte du fourrage et des céréales (blé, maïs), d’énormes quantités de boeuf, de très bons vins de Cuyo, des voitures, du pétrole (Maldives...), du gaz, du charbon et de l’uranium, du textile, des métaux et des produits chimiques...
Si on compte la valeur réelle des biens échangés, le solde est positif !
De plus sa population est jeune et instruite.
Peut être est-ce en raison de cette richesse intérieure, et de cette dette extérieure, que les systèmes d’échanges locaux s’y sont autant développés ?
Un million de personnes en Argentine pratiquent le troc formalisé, pour des transactions de plus de 500 millions de $ en 1999. Les groupes, appelés “Nodos” (Nœuds) ou "Clubs" ont notamment été investis par les nouveaux pauvres (ancienne classe moyenne).
Il existe deux grands réseaux, très différents dans leur esprit et leur mise en œuvre.
1) Le Red Global de Trueque : réseau global de troc
Le RGT est un grand réseau centralisé et qui repose entièrement sur le management de ses 3 fondateurs.
Ceux ci détiennent les pouvoirs habituellement dévolus aux banques, en particulier celui de création monnaitaire. En créant de l’argent, ils peuvent financer telle collectivité locale ou tel projet public (ou le salaire de leurs employés). Et comme dans une banque, il n’y a pas de transparence des comptes !
En fait, bien que ce soit une monnaie alternative, le RGT fonctionne avec les mêmes critères que les banques, favorisant des structures solides, et accroissant donc la concentration des richesses plutôt que leur répartition.
On ne peut donc assimiler le RGT à une monnaie sociale.
2) Le Red de Trueque Solidario : réseau de troc solidaire
Avec le RTS, l’émission de la monnaie se fait au sein d’un club de troc local, qui regroupe en général entre 100 et 2000 personnes.
Les membres se rencontrent très régulièrement.
Au départ, chacun reçoit la même quantité de billets (de 20 à 50 unités).
Si une circulation plus abondante s’avère nécessaire pour la fluidité des échanges, c’est un vote qui décide après débat de l’augmentation de la masse monétaire, selon des critères collectifs. (par ex : attribuer 10 unités à chaque membre).
Pour que les participants comprennent les mécanismes de valeur des monnaies alternatives, il faut insister sur le fait que la valeur correspond davantage au travail et circulation dans le système d’échange, plus qu’au chiffre marqué sur les billets.
Cette pédagogie s’accompagne d’un "programme d’alphabétisation économique" où sont expliquées les distinctions entre économie capitaliste et solidaire, du point de vue de la production, de la distribution et de la consommation.
Ainsi, peu à peu, des citoyens associés se réapproprient un pouvoir dont les banques les ont spoliés (on vous a demandé votre avis pour diviser votre argent par 6,55957 ?).
Héloïse Pimavera précise : "C’est pour cela que nous l’appelons "monnaie sociale" et c’est dans ce sens que cette monnaie produit l’"Empowerment" (c’est à dire l’accès à la souveraineté personnelle ) des membres du réseau : ils doivent comprendre et démystifier le mécanisme d’émission monétaire, et peu à peu, ils deviennent capable si le besoin s’en fait sentir, de démarrer un système n’importe où, de façon indépendante et auto-gestionaire."
Devant la multiplication de ces clubs, la ville de Buenos Aires a choisi de les appuyer pourvu que la non convertibilité en monnaie traditionnelle soit garantie.
avec Heloisa Primavera (GRT)
et Pascale Delille (du SEL à Porto Allegre).
Cet article a été publiée dans la Revue Passerelle Eco N° 09 - Printemps/2002.
C’est un exemple qui doit nous inspirer en France, où le troc se développe également : http://www.chacunsatribu.com/les-membres-de-troc