Texte retranscrit du discours (en vidéo) de la ministre Cécile Duflot adressé spécialement aux participants des renconres nationales des Habitats Participatifs à Grenoble (novembre 2012).
Chers amis, c’est avec regret que j’ai du renoncer à être parmi vous aujourd’hui, lors de cet événement désormais incontournable que sont les rencontres nationales de l‘habitat participatif. Vous êtes apparemment cette année plus de 550 inscrits. Je m’en réjouis. Cela prouve, tout comme le succès des éditions antérieures, que l’habitat participatif est enfin sorti de sa chrysalide.
Oui, les temps changent pour l’habitat participatif. C’est certain, l’horizon s’ouvre, vous n’êtes plus cantonnés à la marginalité, personne ne peut plus ignorer les richesses et les potentialités de ce nouveau type d’habitat. Nos concitoyens sont d’ailleurs sensibles aux alternatives que vous portez. Les collectivités s’intéressent à vos projets et s’engagent. Le relais des institutionnels a commencé et le soutien de la ministre est assuré.
Vous n’êtes plus seuls, l’habitat participatif va enfin pouvoir être à la hauteur de son ambition, celle de représenter une troisième voie pour le logement.
Je souhaiterai d’abord rendre hommage à la société civile, que je sais nombreuse lors de ces rencontres. Collectifs d’habitants, associations locales ou d’envergure nationale, ensemble, depuis des années, vous bousculez les idées préconçues, vous dépassez les schémas conservateurs pour promouvoir une autre vision de l’habitat, c’est essentiel. La politique du logement ne pourra jamais se réduire à une vision gestionnaire et technique. Aussi brillante soit-elle. Pour se renouveler, elle a besoin de prospectives, d’anticipation, et aussi d’espoir.
Pour penser l’avenir de l’habitat, et la ville de demain, nous avons besoin de créativité et d’inventivité. Je sais que votre tâche à parfois été difficile. Trop longtemps, les alternatives en matière de logement ont été ignorées, méprisées. La peur de l’inconnu a trop souvent conduit à l’inertie. Cette époque est révolue. Les rencontres nationales de l’habitat participatif ont d’ailleurs enclenché le mouvement. Vous avez réussi à construire une cohérence, pour interpeller efficacement les acteurs publics.
Vous êtes maintenant une force de proposition légitime et efficace. Sachez donc que vous êtes écoutés avec beaucoup d’attention.
Au-delà de la reconnaissance de votre rôle, je pense que nous partageons également une vision commune.
– Oui, comme vous, je pense que la dynamique participative doit investir largement le champ de l’habitat. Les citoyens ont leur rôle à jouer. La ville ne peut pas être le produit d’un face à face entre élus et promoteurs. Il faut ouvrir le dialogue. De la conception du logement à la vie en commun au sein du quartier, il faut favoriser une plus grande implication des habitants dans leur habitat. C’est tout le sens de la démocratie du voisinage. Le passage d’un modèle subi du logement à un modèle choisi, où les citoyens deviendraient acteurs de leur habitat.
– Oui, je pense comme vous que le logement n’est pas un bien spéculatif, il ne peut pas se réduire à une simple marchandise ; c’est un bien de première nécessité, le socle même de notre vivre ensemble. Il faut avant tout répondre aux besoins légitimes de la population, et considérer le logement d’abord comme un bien d’usage.
– Oui, comme vous, je pense que la question de l’habitat est un levier pour résoudre la crise environnementale. Le bâtiment représente encore 43% de l’énergie consommée en France et 25% des émissions de gaz à effet de serre. Au-delà des normes réglementaires, nous devons privilégier toute initiative allant dans le sens de l’écoconstruction et la performance écologique.
Consciente de ces enjeux, je suis convaincue que l’habitat participatif peut, à sa mesure, être un élément de réponse. Face à la flambée des prix de l’immobilier, et à l’engorgement du parc social, il faut faire émerger cette troisième voie pour l’habitat.
– Cette voie, je vous le dis, sera forcément sociale. L’habitat participatif n’a pas vocation à créer de nouvelles ségrégations territoriales, à favoriser l’entre soi, au contraire. Dans une période frappée par une crise aussi violente, où plus de 3,6 millions de personnes sont mal logées, nous devons rendre cette forme d’habitat accessible au plus grand nombre. Y compris aux familles disposant de revenus modestes.
– Cette troisième voie doit également rester ouverte et dynamique. L’habitat participatif ne doit pas être réduit à un ou deux montages spécifiques prédéfinis et figés. La richesse de ce secteur réside dans sa pluralité et dans sa diversité.
– Enfin cette troisième voie pour le logement existe déjà ailleurs. Notamment chez nos voisins européens. Près de 15 % du parc norvégien est géré par des coopératives, voire même de 40% à Oslo. En Allemagne, l’autopromotion est très répandue. Au Pays Bas l’habitat groupé est très développé. L’habitat participatif n’est pas une utopie. S’il ne constitue pas encore un segment de l’offre de logement en France, son potentiel est désormais réel.
L’habitat participatif est je le pense, à un moment clé de son histoire, à un moment de basculement. Après le temps des débuts, celui des aventuriers du quotidien, des pionniers, de l’autonomie, de l’autogestion, et aussi peut être d’une certaine marginalité, voici que s’ouvre le temps du partenariat et de la généralisation.
La création du réseau national en 2010, l’intégration progressive dans les politiques locales, la médiatisation du mouvement et les travaux parlementaires, sont autant d’éléments qui témoignent de cette évolution. La crédibilité du secteur est renforcée, l’habitat participatif n’est plus considéré comme un projet bobo. Il a acquis ses lettres de noblesse,
Il a gagné en légitimité, face aux acteurs publics.
Un frein subsiste encore cependant au plein épanouissement de la démarche. Cet obstacle, je le connais, c’est l’absence de reconnaissance législative et réglementaire du statut de l’habitat participatif. Cette reconnaissance est fondamentale, non seulement pour développer le secteur, mais aussi pour apporter une sécurité aux habitants actuellement engagés dans un projet. Elle est également essentielle pour répondre aux critiques.
En effet la mauvaise adaptation des montages juridiques conduit parfois les porteurs de projet à adopter des formes hybrides et complexes, source d’insécurité et d’instabilité. La lenteur des opérations exclut de fait les personnes qui sont dans une situation d’urgence vis-à-vis du logement et réserve parfois ce mode ‘d’habitat à une élite ayant le temps de s’investir et possédant le capital pour faire face aux aléas du projet. Si nous voulons donc faire de l’habitat participatif un mode de production du logement à part entière, et un mode d’accession sociale à la propriété, réellement efficient, nous devons donner à ce secteur une légitimité législative et réglementaire.
Les chantiers sont nombreux : démocratiser la démarche, accélérer le processus de réalisation des projets, définir un régime juridique adapté, faciliter le partenariat avec le monde hlm, développer l’accompagnement des groupes projets, sécuriser les montages financiers.
Le chantier est assez important, admettons-le. Nous sommes d’ailleurs aujourd’hui toujours dans une phase de construction et de conception.
C’est pourquoi j’ai souhaité lancer une démarche de concertation, qui visera à émettre des propositions concrètes, pour alimenter la grande loi logement qui sera présentée au premier semestre de l’année 2013, dont un chapitre sera consacré aux nouvelles formes de propriété et à l’habitat participatif.
Le calendrier est contraint, mais l’enjeu est majeur. Je le sais les parlementaires se sont déjà emparé à plusieurs reprises du sujet sans toujours rencontrer le succès. Les amendements ont souvent été abandonnés, la proposition de loi de 2009 rejetée, mais le contexte politique, le gouvernement, la majorité parlementaire, tout cela a désormais changé. Une démarche de concertation, en amont du processus législatif est indispensable.
Dès la semaine prochaine, 4 ateliers techniques réuniront ainsi un ensemble d’acteurs experts.
Notre objectif sera d’identifier les obstacles, et les risques qui s’opposent au développement de l’habitat participatif. Puis de concevoir, collectivement ; les propositions législatives nécessaires pour les résoudre.
Ce n’est qu’en travaillant ensemble, que nous parviendrons à en faire une loi forte, une loi solide. Vous le voyez, un long travail nous attend, mais il est enthousiasmant, car il va permettre la construction de cette troisième voie pour le logement. Et ce travail commence dès maintenant, lors de vos journées de rencontre qui seront j’en suis certaine, fertiles en propositions.
Je sais pouvoir compter sur vous tous, et sur vous toutes pour m’accompagner dans cette démarche. J’en suis heureuse et fière, je vous en remercie et je vous souhaite de bonnes journées.
A très bientôt…
Cécile Duflot, ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, a clôturé jeudi 28 mars les ateliers de travail sur l’habitat participatif menés dans le cadre de la préparation du projet de loi urbanisme et logement qui sera présenté au Conseil des ministres en juin.
Lancée en novembre dernier, cette concertation, résolument participative, a abouti à l’inscription, dans le projet de loi urbanisme et logement, de deux types de sociétés d’habitat participatif : les sociétés d’autopromotion et les coopératives d’habitants.
Cette reconnaissance institutionnelle et législative de l’habitat participatif est essentielle : elle va permettre de confirmer la légitimité et de développer ce secteur innovant et porteur de valeurs essentielles comme la non spéculation, la solidarité, la mixité sociale, l’habitat sain et écologique, la mutualisation d’espaces et de ressources.
Le ministère de l’Égalité des territoires et du Logement, ainsi que le réseau national des collectivités pour l’habitat participatif se félicitent du résultat de ces travaux. Dans le prolongement de cette première étape, ils travailleront en étroite collaboration à la mise en place d’un dispositif national d’accompagnement et d’information des projets d’habitat participatif.
Piste prometteuse dans l’élaboration d’une troisième voie pour le logement, entre habitat individuel et collectif, l’habitat participatif peut se décrire comme un regroupement de ménages mutualisant leurs ressources pour concevoir, réaliser et financer ensemble leur logement, au sein d’un bâtiment collectif. Cette réappropriation de l’acte de concevoir son logement témoigne du souhait d’un lien social renouvelé et contribue à la fabrication de la ville au sens large que Cécile Duflot entend soutenir, promouvoir et développer.