Une intégration de l’environnement trop insuffisante
Les interactions entre l’agriculture et l’environnement peuvent produire des externalités soit positives (entretien des paysages, sauvegarde de la biodiversité sauvage et domestique, réduction des risques d’incendies...) soit négatives (pollution des ressources en eau, érosion des sols, détérioration des habitats naturels....). Ainsi l’agriculture peut fournir non seulement des produits agricoles, alimentaires et non-alimentaires, mais aussi des services environnementaux, et même ruraux avec l’entretien de l’espace et le maintien du tissu rural.
Le rôle des politiques publiques devrait logiquement être de favoriser la production d’externalités positives et de freiner la production d’externalités négatives. Tel n’est pourtant pas le cas. D’une part, une grande partie des subventions de la PAC soutient des types d’agriculture qui ont un impact dommageable sur l’environnement. D’autre part, les outils visant à intégrer la dimension environnementale sont limités voire inadaptés.
– La conditionnalité des aides vise d’abord à limiter les « externalités négatives », et non à valoriser la production « d’externalités positives ». Si les bandes enherbées le long des cours d’eau constituent la plus grande avancée du dispositif de conditionnalité, ce type de « bonne pratique agricole » demeure une exigence minimale qui ne remet en question ni les quantités d’intrants utilisées, ni les modes de production. [1]
– La logique incitative des mesures agro-environnementales (MAE) consiste à compenser un manque à gagner par rapport aux références de rendement de l’agriculture conventionnelle. De ce fait, les MAE ne rémunèrent pas un service environnemental. De plus, on ne peut que souligner l’impact limité des MAE à cause de la faiblesse des moyens financiers dégagés. [2] Enfin, la durée contractuelle des MAE, qui est de cinq ans, ne favorise pas la pérennité des engagements agro- environnementaux face à des « droits à paiement » non-contractuels et plus incitatifs par leur montant.
La PAC manque de légitimité sociale et environnementale
Une meilleure acceptation de la PAC par l’opinion passe nécessairement par la relégitimation des paiements directs sur la base des services rendus par l’agriculteur à la société dans son ensemble. [3] Ces paiements seraient plus équitables car rémunérant un service, ils soutiendraient uniquement une agriculture durable souvent plus intensive en emplois et favoriseraient le maintien d’un tissu rural nécessaire à la préservation d’agro-écosystèmes bénéfiques pour l’environnement. Ils constitueraient une juste reconnaissance des services que rendent les agriculteurs à toute la société.
Cette refondation permettrait de passer d’une logique de droits historiques à une logique contractuelle de rémunération des services environnementaux fournis par les agriculteurs, en y associant des critères liés à l’emploi (pondération en fonction du nombre d’actifs et de la taille des exploitations).
Nous proposons de faire de la rémunération des services environnementaux la base d’attribution des paiements directs et donc un des principes fondateurs de la prochaine PAC. Concrètement, cette rémunération concernerait :
– le maintien des fonctions de régulation des écosystèmes comme la gestion de la ressource en eau, la séquestration du carbone ;
– la préservation de la biodiversité, la protection des habitats naturels ou l’entretien des paysages ruraux ;
– la résistance aux aléas naturels, la résilience des écosystèmes au changement climatique, la conservation des ressources génétiques et le maintien d’une vitalité rurale nécessaire à la fourniture de tous ces services.
D’ores et déjà, des systèmes de production fournissant des services environnementaux existent et sont pratiqués par des dizaines de milliers d’agriculteurs en France et en Europe : par exemple l’agriculture biologique, l’agriculture à bas niveau d’intrants, la protection biologique intégrée ou les systèmes extensifs dans les zones à haute valeur naturelle... La PAC devrait soutenir uniquement, par des incitations fortes, ces types d’agriculture qu’elle a trop souvent ignorés.
Mieux cibler l’octroi des paiements directs pour prendre en compte l’environnement, le maintien d’un tissu rural et l’emploi constitue ainsi une priorité de la future PAC, sans quoi il est vain de penser pouvoir pérenniser un système d’aide inéquitable et inefficace après 2013.
Comment mieux intégrer l’environnement à la PAC ?
– faire respecter le principe du pollueur-payeur par tous les agriculteurs, qu’ils soient bénéficiaires ou non d’aides publiques, et supprimer toute aide publique pouvant avoir un effet dommageable sur l’environnement. Le respect de la législation, environnementale notamment, doit être un pré- requis pour pouvoir bénéficier des paiements directs de la PAC mais le simple respect de la législation ne saurait donner lieu à une subvention ;
– repenser les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) au niveau communautaire sur des bases plus agronomiques adaptées au terrain ; rendre obligatoires les normes facultatives relatives à la protection des sols (érosion, structure, fertilité, entretien minimal) ;
– soutenir les types d’agriculture importants pour la fourniture de services environnementaux qui répondent aux nouveaux défis (climat, énergie, eau, biodiversité) qui, dans une démarche volontaire, vont au-delà de la législation notamment environnementale, comme l’agriculture à bas niveau d’intrants, l’agriculture biologique et les systèmes agricoles à haute valeur naturelle (HVN) [4]
– légitimer ces nouveaux paiements directs aussi par l’emploi, en instaurant une limite maximale par actif agricole (plafonnement/UTA) et par exploitation [5] ;
– envisager des périodes de contractualisation pour les paiements de services environnementaux qui aillent au-delà de cinq ans, afin de garantir une fourniture pérenne d’engagements dans la durée (jusqu’à 7 ans, soit la durée du cadre financier pluriannuel de l’UE) ; Cette refondation du système des paiements directs permettrait d’encourager une agriculture plus écologique, afin de lutter plus efficacement contre le changement climatique et de protéger les ressources naturelles.