Bref, sommes-nous libres de choisir notre mode de transport ? En réparation, la société de transport demande des condamnations à 5 000 euros d’astreinte par infraction constatée et la saisie des véhicules, au motif que le covoiturage constituerait "un acte de concurrence déloyale et parasitaire".
Jugement attendu théoriquement début 2006...
Stéphane Boutin
PLus de détails
Pendant de nombreuses années, onze femmes de charge de la société ONET Luxembourg eurent recours aux services des Transports Schiocchet Excursions - basés à Boulange, en Moselle, jusqu’à ce que ceux-ci ne correspondent plus à leurs besoins et aux impératifs liés à leur emploi.
Mme Constance S., l’une des employées, explique que l’autocariste lorrain ne respectait plus ni horaires ni arrêts depuis de récentes embauches, alors qu’il exploitait, de façon régulière, une ligne reliant différents points de la Lorraine aux institutions européennes, au Kirchberg.
Pourquoi un tel reversement de situation ? C’est la question à laquelle le tribunal de commerce de Thionville tente de répondre actuellement.
Les employées se plaignent aussi d’un manque de respect quotidien du chauffeur vis à vis de ces dames, ce qui les poussent alors à s’organiser entre elles pour pouvoir se rendre à leur travail à l’heure et sans stress. Constance raconte "nous avons mis en place un système de covoiturage" et ajoute "à un rythme hebdomadaire et à tour de rôle nous emmenons chacune trois ou quatre de nos collègues dans notre véhicule personnel. Celles qui n’ont pas de permis paient de temps à autre un plein d ’essence".
L’autocariste n’a pas apprécié la manœuvre car en quelques mois sa cleintèle est passée de 80 à moins de 10 utilisatrices par jour. Il porte alors l’affaire en justice, pour "incitation au covoiturage" et "concurrence déloyale".
"Selon eux, puisqu’il existe une ligne régulière de bus, nous sommes obligées de l’utiliser", note encore Constance qui dénonce les méthodes de la famille Schiocchet. "Des membres de la société nous ont filées plusieurs fois pour voir comment nous nous organisions, savoir où nous habitions, observer nos trajets et ensuite porter plainte contre nous", peste Constance. "Et ils n’ont par ailleurs pas hésité à recourir à un huissier qui s’est posté à la frontière luxembourgeoise pour photographier nos véhicules et les occupantes qui se trouvaient à l’intérieur".
Le directeur d’ONET-Luxembourg, Frédéric Sirerol, s’insurge de cette situation et déclare "pour mes employées, il s’agit là d’une véritable atteinte à leur vie privée. Quant à ma société, j’aimerais bien comprendre : on me reproche des choses sur lesquelles je n’ai absolument aucun pouvoir d’intervention , mais surtout dont je me moque éperdument. La seule chose qui compte pour moi , c’est que ces dames soient là pour leur travail. Qu’importe si elles y viennent à pied, en voiture ou en avion !".
Le tribunal de commerce de Thionville, qui se prononcera courant 2006, pourra-t-il donner raison au plaignant puisque celui-ci a déjà été débouté en 2003 – pour les mêmes motifs – par le tribunal de commerce de Briey qui s’est déclaré incompétent. Mais l’entreprise a alors interjeté appel avant de se désister et s’est adressée au tribunal de grande instance de Nancy à qui elle a réclamé la condamnation des femmes de ménage à 5.000 euros d’astreinte par infraction constatée et la saisie de leurs véhicules.
Le motif invoqué : le covoiturage constituerait "un acte de concurrence déloyale et parasitaire".
Source : La Voix
Me Cécile Klein-Schmitt, du barreau de Metz, assure la défense de ces femmes et consternée, ajoute : "juridiquement parlant c’est une aberration totale. A ce compte-là, toutes les personnes qui pratiquent le covoiturage peuvent s’attendre à être traduites devant les tribunaux".
De son côté, l’autocariste a chiffré son manque à gagner à près de 2 millions d’euros. Il réclame également de la justice qu’elle ordonne la saisie des véhicules des femmes de ménages.
Il y a quelques années encore, cette petite entreprise familiale basée à Boulange (57) assurait le transfert quotidien, en autocar, de ces employées de part et d’autre de la frontière franco-luxembourgeoise. Mais comme elles avaient souvent du retard sur le chemin du retour, elles ont opté pour la solution très pratique du covoiturage. En effet, à tour de rôle, chacune assure le transport des autres avec sa voiture personnelle en partageant les frais, ce qui leur revient moins cher et réduit considérablement leur temps de trajet : 1h 30 avec la compagnie de transport contre 30 mn en voiture !
Me Klein Schmitt, quant à elle, n’en revient pas de cette procédure qu’elle considère sans fondement. "Le transporteur a poussé le vice jusqu’à faire comptabiliser par un huissier de justice, au passage de la frontière, le nombre de femmes de ménage transportées par voiture", se scandalise-t-elle. "Le comble, c’est qu’il poursuit également le mari de l’une d’elles qui participait au transport" s’indigne encore l’avocate qui estime toutefois que "le transporteur a peu de chance d’obtenir gain de cause".
Source Tageblatt.
Qu’en est-il du covoiturage dans votre coin aujourd’hui ? Comment s’est terminé cette histoire ?